En décembre 1982, la Charente et ses affluents inondent les paysages et les villes traversés.
Retour sur la crue DU SIÈCLE
Décembre 1982 – Il a déjà beaucoup plu en cette fin d’année et les précipitations ne semblent pas vouloir s’arrêter… Les habitants du val de Charente s’apprêtent à fêter Noël dans une ambiance inquiète. Les cours d’eau ont gonflé provoquant des inondations et vont s’inviter au cœur des villes, causant de nombreux dégâts…
Des pluies exceptionnelles provoquent la montée des eaux
Les mois d’octobre et de novembre 1982 ont été pluvieux : les terres sont déjà saturées d’eau. Or, en décembre 1982, en seulement 17 jours, il va pleuvoir trois fois plus qu’au cours d’un mois de décembre “normal”. En Charente, on relève environ 243 mm d’eau, avec un pic de précipitation très intense les 19 et 20 décembre.
La Charente quitte son lit
A Mansle, Angoulême puis Jarnac, 3 pics de crue se succèdent :
- Du 5 au 12 décembre, un premier épisode pluvieux provoque une montée générale de tous les cours d’eau, avant 2 jours d’accalmie.
- Les 16 et 17 décembre, un nouvel épisode pluvieux provoque la deuxième phase de crue.
- Les 19 et 20 décembre, de très fortes précipitations entraînent 2-3 jours plus tard la pointe de crue du fleuve Charente.
A Cognac et Saintes, la montée des eaux de crue est régulière, dès le 23 décembre, la crue atteint ici son maximum. Les pics observés en amont se sont lissés en une seule onde de crue lors de la traversée de la plaine entre Jarnac et Cognac.
Chronique de la crue à Angoulême et ses environs
En décembre 1982, toute la région angoumoisine est en alerte, suspendue aux conditions météorologiques. Les chroniques de la presse de l’époque relatent, jour après jour, l’inquiétante montée des eaux. Le 20 décembre, le Préfet déclenche finalement le plan ORSEC. Les moins chanceux réveillonneront les pieds dans l’eau malgré la décrue…
Vendredi 10 décembre 1982 : à 16h la cote d’alerte est franchie à Angoulême, l’inondation commence. On annonce des montées d’eau de 40 à 50 cm en 24h. Les services préparent les moyens d’intervention, la DDE alerte les communes concernées. Déjà, les pompiers reçoivent les premiers appels, pour des caves inondées.

© Charente Libre 13/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Lundi 20 décembre : La pluie, tombée régulièrement les jours précédents, a inondé les rues basses. L’Houmeau, Saint-Cybard et le boulevard Besson Bey sont maintenant noyés.

© Charente Libre 20/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Mardi 21 décembre 1982 : Le Préfet de la Charente, face à la gravité de la situation générale dans le département, a déclenché la veille au soir le plan ORSEC, qui permet d’élargir le front des troupes et des moyens, en mobilisant notamment des militaires.

© Charente Libre 21/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Jeudi 23 décembre 1982 : La crue a atteint son plus fort niveau la nuit précédente. Elle pulvérise tous les records enregistrés depuis plus d’un
siècle. C’est à présent la décrue qui s’amorce : l’eau se retire à raison de quelques centimètres par heure.
Vendredi 24 décembre 1982 : Dans la partie basse de Saint-Cybard, l’eau reste encore bien présente, malgré la baisse amorcée. La barque est encore
le meilleur moyen de déplacement.

© Charente Libre 24/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême

Angoulême, décembre 1982




Chronique de la crue à Cognac et ses environs
Dès le 10 décembre 1982, la cote d’alerte est atteinte dans la région cognaçaise. La presse locale suit le rythme de la crue et témoigne des difficultés des habitants. Entre le 14 et le 25 décembre, toute la région assiste, impuissante, à la montée des eaux. Deux jours après Noël, l’eau se retire peu à peu des maisons sinistrées…
Vendredi 10 décembre 1982 : Les services administratifs et les services de secours se préparent à intervenir car la cote d’alerte vient d’être dépassée.
Lundi 13 décembre 1982 : Épargnée jusqu’ici, la ville de Cognac s’attend à connaître la même situation qu’Angoulême, déjà touchée par les crues de la Charente.
Mardi 14 décembre :

© Charente Libre 14/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Mercredi 15 décembre 1982 : En Charente médiane, une décrue s’est amorcée. Pourtant, l’eau a continué de monter dans la région de Cognac. Aujourd’hui, le niveau semble se stabiliser.
Vendredi 17 décembre : La pluie est repartie de plus belle, poursuivant l’inondation des bas quartiers de Cognac.

© Charente Libre 17/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Lundi 20 décembre : L’importante hausse du niveau de la Charente enregistrée le week-end à Angoulême se répercute dans le Cognaçais
(+ 40 cm). Le plan ORSEC est déclenché.
Mardi 21 décembre : L’armoire électrique de la station de pompage d’eau potable est sur le point d’être noyée. Des camions-citernes sont réquisitionnés pour assurer la distribution de l’eau dans les différents quartiers.
Vendredi 24 décembre :
© Charente Libre 24/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Samedi 25 décembre : La décrue s’amorce enfin à Cognac.

© Charente Libre 25/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Lundi 27 décembre : Dans plusieurs secteurs de Cognac, l’eau se retire. Le nettoyage commence dans les maisons libérées de l’inondation. Toutefois, il faudra attendre plusieurs jours pour constater l’ampleur des dégâts, le temps que les maisons les plus sinistrées soient enfin dégagées.
Cognac, décembre 1982






Chronique de la crue à Saintes
Dans la région saintaise, la crue du siècle atteindra son apogée dans la nuit du 24 décembre 1982, avec une cote record de 7 mètres. Les journaux de l’époque révèlent une ville de Saintes asphyxiée par l’événement. Le bilan sur les habitations s’avérera lourd et il faudra procéder à l’évacuation des personnes les plus vulnérables…
Mercredi 15 décembre 1982 : Les bas quartiers de Saintes commencent déjà à être inondés.
Vendredi 17 décembre 1982 : La crue se renforce
Samedi 18 décembre :

© Charente Libre 18/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Lundi 20 décembre 1982 : Un tiers de la ville de Saintes est déjà sous les eaux. Le Préfet déclenche le plan ORSEC en Charente-Maritime le soir-même : une centaine de militaires arrivent en renfort. On attend avec inquiétude la “vague” qui a déjà atteint Jarnac et Cognac ; le niveau du fleuve doit monter de 20 à 25 cm dans les 24 heures. La Ville fait évacuer des personnes âgées et met à leur disposition des logements HLM et des chambres de la base aérienne.
Mercredi 22 décembre 1982 : A Saintes, 400 maisons sont déjà inondées et l’artère vitale pour traverser la ville, l’avenue Gambetta, est menacée. Les services de l’équipement installent une passerelle afin de ne pas interrompre la circulation.

© Sud-Ouest 22/12/1982 – Archives Ville de Saintes
Cette cote de 6,46 m s’inscrit dans un référentiel
qui aujourd’hui n’est plus le même.
Vendredi 24 décembre 1982 : Le Service d’Annonce des Crues prévoit une cote record de 7 m pour la nuit de Noël. Puis la décrue s’amorcera. Cet espoir de décrue arrive à point nommé dans la ville asphyxiée par l’inondation : plus de 1000 maisons ont les pieds dans l’eau et 450 ont été évacuées.

va enfin se faire sentir… ”
© Charente Libre – 25/12/1982 – Archives Ville d’Angoulême
Mardi 29 décembre 1982 : À 20h, une équipe de militaires commence à démonter la passerelle de l’avenue Gambetta. L’achèvement de cette tâche sera le symbole du retour à la normale puisqu’il permettra de rétablir la circulation le long de l’avenue Gambetta.

© Sud-Ouest – 30/12/1982 – Archives Ville de Saintes

© Société d’Archéologie et d’Histoire de la Charente-Maritime
Saintes, décembre 1982





Ce fut bel et bien la “crue du siècle”. Son amplitude et les dommages qu’elle a causés auront marqué les esprits. Nous nous souvenons également de cette crue de 1982 car elle est contemporaine, âgée de moins de 40 ans. Toutefois, nous ne devons pas oublier que d’autres inondations d’envergure ont rythmé l’histoire du fleuve Charente.
Bassin versant et inondations, un territoire à risque
Le bassin versant de la Charente est vaste. Sur les 10 000 km2 de ce territoire, le fleuve et ses affluents génèrent un risque important d’inondation. Ils rappellent régulièrement aux habitants que sous leurs allures de cours d’eau lents couve une force immense… Et le risque peut également venir de l’océan…
L’étendue du bassin versant de la Charente
Le fleuve Charente prend sa source à Chéronnac en Haute-Vienne et parcourt près de 365 km jusqu’à l’Océan Atlantique. Le bassin versant de la Charente s’étend des contreforts du massif central jusqu’à l’embouchure du fleuve, dans la baie d’Oléron. Il concerne six départements : la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, la Vienne, la Haute-Vienne et la Dordogne. Les principaux affluents de la Charente sont la Tardoire, l’Aume, la Touvre, l’Antenne, le Né, la Seugne, la Boutonne et l’Arnoult.
Bassin versant, définition : Territoire à l’intérieur duquel toutes les eaux de surface s’écoulent vers un même point, appelé “exutoire”. Il peut s’agir de l’embouchure d’un fleuve, par exemple.
Quand parle-t-on de crue et d’inondation ?
La crue correspond à une montée significative du niveau d’un cours d’eau. Provoqués par un épisode de pluie important, des ruissellements d’eau sur les terrains du bassin versant s’écoulent alors vers les affluents et le fleuve Charente, qui vont gonfler fortement. Lorsque la crue est débordante, les eaux sortent du lit de la rivière et s’étalent dans la plaine. L’inondation correspond à ce phénomène de submersion temporaire de terrains, qui ne sont pas “noyés” en temps normal.
Le risque, une notion à comprendre
On appelle risque la confrontation d’un aléa et d’une zone géographique où il existe des enjeux vulnérables.
- L’aléa est un phénomène naturel dangereux : débordement de cours d’eau, séisme…
- Les enjeux sont constitués par les habitants, les bâtiments, les activités économiques, le patrimoine culturel, les espaces naturels fragiles…
Le risque, c’est donc la probabilité qu’un phénomène dangereux impacte de façon néfaste des personnes, des biens, etc.

© DDTM de la Charente-Maritime
L’inondation demeure un risque naturel, bien connu. Cependant, le territoire s’artificialise : l’homme aménage des espaces jusqu’ici réservés au fleuve, il modifie le paysage et bouleverse certains équilibres. Le risque augmente d’autant plus que les enjeux (les biens, les personnes…) se multiplient au sein des zones inondables…
L’inondation est un phénomène naturel inévitable
L’ampleur des précipitations, la géographie du territoire (pente, forme de la vallée), la nature du sol et du sous-sol (qui influence le ruissellement) … autant de facteurs naturels expliquant l’inondation et… sur lesquels l’homme n’a pas de prise. Il faut par ailleurs souligner que les crues (d’intensités variables) sont nécessaires au cours d’eau. Elles assurent son équilibre fonctionnel : en dessinant la rivière, en évacuant les dépôts et débris, en fertilisant les sols avec des limons, en maintenant la biodiversité et en rechargeant les nappes en eau.
Comment aggravons-nous le risque d’inondation ?
Sous la main de l’homme, les paysages du bassin versant de la Charente se sont progressivement modifiés. Dans les villes et les campagnes, l’homme a aménagé le territoire et accentué le risque d’inondation. Comment ? En développant l’urbanisation dans les zones à risque (c’est l’augmentation des enjeux) et en dégradant les conditions d’écoulement des eaux (c’est l’aggravation de l’aléa, phénomène évident pour les petites crues mais plus atténué pour les crues majeures).
Autrement dit, les eaux vont par exemple s’écouler plus intensément dans des endroits où l’on trouve désormais des bâtiments et des personnes. On a ainsi contribué à augmenter les conséquences néfastes de l’inondation…
Exemple d’évolution du paysage urbain à Saintes :

Limitons le risque d’inondation, mieux aménager le territoire
C’est par un meilleur aménagement du territoire que passe la prévention des inondations. Pour cela, il convient de réduire les enjeux exposés : ne pas mettre en danger de nouveaux biens et personnes et adapter les enjeux existants. Il faut également agir sur la réduction du niveau d’inondation, en freinant les écoulements en amont et en se protégeant…
Même en nous attachant à limiter le risque d’inondation, nous ne pourrons jamais empêcher ce phénomène naturel. Aussi, pour les habitants et les acteurs publics, l’enjeu primordial consiste à mieux y faire face. Cela implique, pour tous, de bien connaître le risque, d’anticiper son arrivée et la gestion de crise à mettre en place…
Comment mieux se préparer au phénomène d’inondation ?
Parce que le territoire n’a pas connu d’inondation fluviale importante depuis plusieurs années ou bien que l’on vit derrière une digue qui a résisté à la tempête Xynthia, on peut se sentir moins exposé… L’absence de crue majeure récente ne doit pourtant pas faire oublier que le risque demeure !
Pour s’en souvenir, il suffit d’observer les quelques repères de crues qui conservent la trace des plus hauts niveaux d’inondation connus. Lors de transactions immobilières dans des zones soumises à un Plan de Prévention des Risques, l’Information Acquéreur Locataire est obligatoire. Les acquéreurs ou locataires sont informés par écrit d’un “état des risques“ ainsi que d’éventuelles déclarations des sinistres indemnisés. Dans les communes soumises aux inondations, le Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM), diffusé par le maire, recense les risques, les mesures de prévention ainsi que les consignes de sécurité.
En tant que citoyen, puis-je agir ?
Bien entendu ! D’abord, chacun peut prévoir un plan d’actions à l’échelle de son foyer, appelé Plan Familial de Mise en Sûreté (PFMS), de manière à être préparé à la survenue d’un événement. On peut par ailleurs intégrer bénévolement la réserve communale de sécurité civile, si la mairie en constitue une : vous aiderez ainsi la commune à assister la population.
Article très intéressant. La source des photos concernant Cognac aurait pu être indiquée. Les photos sont de Gérard Manuel et ces photos et négatifs sont conservés aux Archives municipales de la ville de Cognac. Cordialement. CCS, archiviste.
Bonjour, la source est précisée. Il suffit de cliquer sur les photos de cognac pour qu’elles s’agrandissent. La description en dessous indique le crédit de la photo.
Cordialement,
Vivre en Charentes.
ça devait être très impressionnant à voir !
L’eau ça mouille 🙂